Pensées éparses

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Col de Neronne, Cantal, France. Décentré à gauche, « la montagne pointue », c’est le Puy Mary.

Depuis mon perchoir, j’observe. Je regarde ce monde que je ne comprend décidément pas. J’ai beau essayer, il reste un problème impossible à résoudre. Il doit y avoir quelque chose de lisible dans cet opacité, mais je ne le vois pas. L’horizon s’assombrit. Devant moi déjà, les lumières du village s’allument. Deux points dans une vallée noire, étreinte dans une couverture végétale sombre. Signes de vie, ces lumières n’éclairent rien, si ce n’est l’abandon d’une région, d’un pays. Le départ d’une générations, une fuite face à l’incompréhension.

Sous mes pieds, la pellicule de neige me rappelle que mes mains ont froid.

Les monts se découpent sur un ciel nocturne. Le monde disparaît sous mes yeux impuissants. J’aimerais contempler plus longtemps ce paysage bientôt abandonné, presque oublié. Le vent est quasiment absent. Les nuages sont hauts dans le ciel. Entre eux se devinent les étoiles. Les lueurs humaines leurs répondent dans un silence apaisant. Je suis particulièrement bien. Je ne peux m’empêcher de penser à la chance que j’ai. Et pourtant, je ne comprend toujours rien.

Ici, maintenant, comment imaginer que des conflits existent ? Comment imaginer que des gens meurent et souffrent dans une ignorance des plus terrifiante ? Comment imaginer que certain doivent gravir des montagnes pour atteindre leur liberté alors qu’ici, je gravis une montagne en toute indépendance ? Comment imaginer que je regarde ce monde alors que d’autres le subissent ? Comment imaginer que je sois ici, seul, tout comme tant de gens ?

Les silhouettes des résineux offrent un spectacle magnifique. Elles caressent l’horizon sinusoïdale qui se dresse devant moi. Les cimes lointaines ne sont plus que contrastes. Ces géants géologiques qui étaient encore à l’instant des êtres se dressant dans la lumières, deviennent des bêtes de nuit, des monstres effrayants. Je n’oserais pas les affronter, alors que de jour, ils sont une tentation des plus envoûtante.

Derrière moi se côtoient les cimes des arbres qui poussent à flanc de montagne. J’ai le souffle court. Devant plonge dans un noir opaque un petit escarpement rocheux. Les chants épars des oiseaux laissent place à un silence lisse et soyeux. Je me laisserais volontiers envelopper par ce moment éphémère.

Je ramasse mon matériel et me laisse guider par mes pas. Ils ont laissé un fil d’Ariane sur le couvert gelé. Elle me guide à travers cette terre devenue créatrice d’un labyrinthe mental trop complexe.

Il est tard, je rentre à la lumière de mes pensées.

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